Si Radio Nova ne s’est jamais consacrée entièrement à la musique électronique, la station parisienne – créée par Jean-François Bizot et l’équipe du défunt magazine Actuel – a toutefois joué un rôle prépondérant dans sa diffusion. Dévolue, dès sa naissance en 1981, à la découverte et mise en lumière des nouvelles tendances musicales, elle va s’intéresser naturellement à l’éclosion des scènes house et techno. Tout comme elle l’avait fait quelques années auparavant avec la world music – la fameuse “Sono Mondiale” – puis avec le hip-hop via les soirées “Chez Roger Boîte Funk” et l’émission “Deenastyle”.
Une partie de l’équipe de Radio Nova (dont Loïk Dury, DJ Shoom et DJ Gilb’r
Sous l’impulsion du programmateur Loïk Dury, elle confie dès 1990 quelques heures d’antenne le jeudi soir à Guillaume la Tortue et Laurent Garnier. Ce dernier intitule son émission “Paradise Garage” en référence au club new-yorkais où officiait le maestro de platines Larry Levan. Bientôt, Loïk Dury se voit épauler dans sa mission par un jeune niçois fan de musiques black : Gilbert Cohen alias DJ Gilb’r, que l’on retrouvera quelques années plus tard derrière le label Versatile.
Rapidement, les émissions animées par les DJs se regroupent sous l’appellation “Novamix” avec l’idée de soutenir la scène française et d’y créer une émulation. À travers les années on retrouvera des curateurs aussi divers que Cut Killer, Lord Zeljko, Ariel Wizman, Jean Croc, Erik Rug, Volta, Morpheus, Gilles Peterson, Dimitri from Paris, DJ Deep, David Blot, Ivan Smagghe, ou même Manu le Malin. Aujourd’hui encore, l’électronique occupe une place de choix sur l’antenne.
1990 voit l’apparition des premières vraies raves françaises sous l’impulsion de Manu Casana et de Luc Bertagnol associés au sein de Rave Age. Fini les soirées confidentielles sur des péniches, désormais ce sont un hangar SNCF, le Collège Arménien ou le Fort de Champigny qui sont investis, pas toujours dans la légalité. Les premiers DJs français y font leurs armes aux côtés d’artistes venus pour la plupart d’outre-Manche.
Parallèlement à la techno/house des raves et des clubs underground se développe une scène nettement plus grand public que l’on ne nomme pas encore “eurodance”. Produite principalement en Italie et au Benelux, elle connaît son heure de gloire à Bercy devant 17 000 personnes réunies dans “La plus grande discothèque du monde”. La récupération commerciale n’a donc pas attendu l’EDM des années 2010.
Après Paris et le nord de la France, la techno et la house connaissent un nouveau bastion plus singulier dans la ville de Dijon. À vrai dire, rien ne prédestinait l’An-Fer à devenir un club dont la notoriété allait largement dépasser les limites de la Bourgogne. Ouvert l’année passée par deux frères, Franck et Frédéric Dumélie, l’endroit se voit d’abord comme un lieu alternatif, rock et new-wave, différent de la discothèque généraliste traditionnelle. Mais lors d’un séjour à Rimini où jouent Guillaume la Tortue et Laurent Garnier, les patrons ont une révélation. En juin, ils invitent Garnier à mixer à domicile. Le jeune DJ vide la piste, mais les frères insistent. Garnier reviendra jouer chaque mois pendant six ans, éduquant un nouveau public. La moutarde finit par prendre. Tout comme le Rex à Paris, l’An-Fer va se consacrer exclusivement à l’électronique et proposer une programmation qui n’a rien à envier à ses homologues parisiens.
Les plus grands DJs internationaux viennent mixer à Dijon, des légendes venues de Detroit, de Londres ou de Chicago. Situé dans une agglomération de taille moyenne – 300 000 habitants – le club restera un cas unique en son genre durant toutes les années 90. Il permet aussi de développer une scène locale. Tonio, qui avait débuté comme light-jockey, devient un DJ techno de premier plan. Le jeune Pascal Arbez y prend une claque sur le live des Daft Punk et lance son propre projet : Vitalic. Mais tout comme les raves, le club subit de nombreuses pressions politiques et policières. Les descentes et les fermetures administratives se succèdent. Las, et accumulant des problèmes financiers, les frères Dumélie finissent par lâcher l’affaire en 2002 non sans avoir organisé une dernière semaine de fête où se retrouvent tous les artistes ayant marqué l’histoire du lieu. Même David Guetta.
On le sait, le nord de la France et la région lilloise ont été particulièrement en pointe dans la popularisation des sons électroniques. La proximité de la Belgique avec sa scène new-beat et ses clubs de taille XXL n’y étant sans doute pas étrangère. Une radio associative locale, Galaxie, bascule sur un format dédié, un peu après Maxximum, mais avant la Parisienne Radio FG. Les Ch’tis avaient résolument un temps d’avance.
D’autres organisateurs de raves investissent la nuit parisienne. Autour du DJ Yayo, les Trance Body Express promeuvent un son différent de celui de l’Angleterre, inspiré de la new-beat, de l’EBM – Electronic Body Music – et des musiques ethniques jouées lors des “beach party” de Goa en Inde. C’est le début de l’épopée trance psychédélique.